À la manière de…/sér1-2/Le duc Vespasio

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LE DUC VESPASSIO

 

PERSONNAGES


Remella
, fille du duc.

Le Duc Vespassio
, connétable de Venise.

Le Chevalier Trombono
, amant de Remella.

Hadeverh
, écuyer du duc.

L’Archevêque d’York
.

Paidigri
, intendant du duc.

Un ermite
.

Premier Assassin
.

Deuxième Assassin
.

Un ours
.
Gentilshommes, hommes d’armes, etc.
. [ 266 ]
 

ACTE PREMIER

Un camp.

 

le duc, deux ou trois chevaliers

un héraut d’armes puis hadeverh


le duc

Oh ! déshonneur ! ma fille Remella, ma fille bien-aimée, s’est enfuie avec son cousin le chevalier Trombono. Paraissez tous devant la majesté de Sa Majesté ma douleur.

(Fanfares. Entrent les seigneurs.)


le duc

Du sang ! Du sang ! Quel est celui d’entre vous qui veut partager ma couronne après m’avoir ramené les fugitifs ? Lève-toi, noire vengeance ! Inspire-nous !


hadeverh

Je serai celui-là.

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le duc

Es-tu sûr de ta force ? N'as-tu pas une peau de veau sur des membres de lâche ?


hadeverh

J'ai une peau de lion sur des membres de demi-dieu.


le duc

Qui donc es-tu ?


hadeverh

L'amant de votre fille, celui qu'elle a trahi avec Trombono.


le duc

Toi, son amant ! Excrément de crapaud ! Œuf de coucou rouge ! Chien rasé ! Hors de ma vue !

(Il le frappe.)


hadeverh

Allions-nous, au contraire. Je partagerai votre vengeance.

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le duc

M’allier avec le premier suborneur de ma fille, traître !…


hadeverh

La lune s’allie bien avec le sabbat.


le duc

Tu as raison. Que Dieu soit avec nous !

(Ils sortent.)

 

ACTE DEUXIÈME

Une clairière.

 

remella, trombone puis un vieux

mendiant


remella

Ah ! digne seigneur, où me conduisez-vous ?


trombono

Ne craignez rien, madame, nous sommes encore loin du lieu où nous nous trouverons [ 269 ]en sûreté. Les archers de votre père battent les buissons et en font sortir des lutins qui dansent devant les vapeurs de l’aurore.

(Paraît un vieux mendiant.)


le vieux mendiant

Petits oiseaux du ciel, que le hibou ne vous effraie pas !


trombono

Arrière !


remella

Trombono, prenez garde ! Mes cheveux sentent la mort…


le vieux mendiant

Ah ! la fille du Duc ! Infâme ravisseur ! Je suis le serviteur fidèle lancé sur vos traces ; et je vous reconnais, car j’ai des yeux dans la tête.

[ 270 ]

trombono

À moi, mânes de mon père !

(Paraît un ours. Le vieux mendiant

s’enfuit, poursuivi par l’ours.)


trombono

Ainsi périssent tous ceux qui s’opposent au flamboyant essor de l’amour !

(Ils sortent.)

 

ACTE TROISIÈME

 

SCÈNE I

 

Une plaine. Alarme. Escarmouche. Retraite.

Entre le Duc avec son armée.

 

le duc

Je veux boire des larmes de cerf dans une coupe faite avec la moitié d’un crâne. Ah ! le rêve et la raison ! L’un sur l’autre ou l’un sous l’autre ? Mystère insondable de la nature !

[ 271 ]

un seigneur

Le chagrin n’a-t-il pas affaibli son jugement ?


le duc

Trombono misérable !… Que ses poumons se pourrissent, et que le suintement de ses oreilles lui coule dans la bouche et l’empoisonne… Ma fille, une prostituée ! je sens que le double battement de mon cœur est comme deux pilotes qui naviguent entre les rives du déshonneur et du courroux.

(Il sort avec son armée.)

 

SCÈNE II

 

Une autre partie de la plaine. Entrent.

Trombono et Remella.


trombono

Ne perdez pas l’espérance, chère Remella. La fortune, qui est une bonne ménagère, tissera pour vous des jours heureux de sa soie [ 272 ]la plus lisse. L’armée ne nous cherche pas de ce côté. Prenez cette mante couleur de la tempête, personne ne vous reconnaîtra.

(Il la lui met.)


remella

Vous êtes un fils de la Providence, cher Trombono.


trombono

Et vous, suave Remella, la parure du firmament.

(Ils sortent.)

 

ACTE QUATRIÈME

 

Devant le rempart d'une ville. Entrent

l’Archevêque d’York et quelques seigneurs

 

l’archevêque d’york

Faisons diligence. La misérable armée du roi de France a quitté Paris voilà une heure. Elle est en route pour venir combattre la [ 273 ]nôtre. Elle sera là ce soir. Ils ont du sang à perdre encore. Vous en arroserez les sillons de la vieille Angleterre. Ils ont besoin de cracher leurs dents. Ces hommes sont maigres comme des chevaux de brasseur. Nous qui sommes parmi les premiers-nés d’Égypte, nous les pétrirons. Soyez tous absous d’avance.


un seigneur

Il a dégorgé sur nous. Nous voici comme des aigles farcis d’héroïsme.

(Ils sortent. Entre Hadeverh avec

un ermite.)


hadeverh

Je parle la langue près du cœur. Un orage gronde dans ma poitrine. Les avez-vous vus ?


l’ermite

On a fermé les portes de la tour, et les fidèles sujets du roi ont l’intention de manifester leur loyauté par une éclatante revanche.

[ 274 ]

hadeverh

Merci.

(Il lui crève l’œil gauche avec son

éperon droit , le tue et sort.)

 
 

ACTE CINQUIÈME

 

Au bord de la mer. Orage.

 

le duc

Par ma gorge ! Damnation ! Voilà la récompense ! Tourbillons de l’ouragan ! Vagues aux féroces gueules vertes ! Éclairs terribles ! Déchirez cet air où j’ai vécu jusqu’ici, fouettez-le, châtiez-le d’avoir permis de telles choses ! Et toi, terre damnée, ouvre-toi pour engloutir le plus infortuné de tes enfants !

(Entrent Remella et Trombono.)


remella

Ciel ! le duc, mon père !

[ 275 ]

le duc

Que mes yeux ne sont-ils devenus chassieux avant de me montrer un tel spectacle !

(Entrent Hadeverh et deux assassins.)


hadeverh

Trombono, tu vas payer ta perfidie ! Tue ! Tue !


premier assassin

C’est celui-là, monseigneur ?


hadeverh

Vois plutôt.

(Il le tue.)


deuxième assassin

Je crois que le merlan est recuit sur la table[1].

[ 276 ]

remella

Horreur ! Triple horreur ! Tiens, affreux !

(Elle le frappe.)


hadeverh

Hélas ! je vais coucher avec ma mère la terre.

(Il expire.)


remella

Le plus petit œil de la lune
A fait cuire la sorcière.
C’est pourquoi le jeune loriot
Va retourner la marmite.

(Elle sort en chantant.)


le duc

Ma fille a perdu l’esprit. Enfer !

(Il se tue.)

  1. Jeu de mots intraduisible en français.