À la manière de…/sér1-2/Le duc Vespasio
LE DUC VESPASSIO
PERSONNAGES
ACTE PREMIER
Un camp.
Oh ! déshonneur ! ma fille Remella, ma fille bien-aimée, s’est enfuie avec son cousin le chevalier Trombono. Paraissez tous devant la majesté de Sa Majesté ma douleur.
Du sang ! Du sang ! Quel est celui d’entre vous qui veut partager ma couronne après m’avoir ramené les fugitifs ? Lève-toi, noire vengeance ! Inspire-nous !
Je serai celui-là.
[ 267 ]Es-tu sûr de ta force ? N'as-tu pas une peau de veau sur des membres de lâche ?
J'ai une peau de lion sur des membres de demi-dieu.
Qui donc es-tu ?
L'amant de votre fille, celui qu'elle a trahi avec Trombono.
Toi, son amant ! Excrément de crapaud ! Œuf de coucou rouge ! Chien rasé ! Hors de ma vue !
Allions-nous, au contraire. Je partagerai votre vengeance.
[ 268 ]M’allier avec le premier suborneur de ma fille, traître !…
La lune s’allie bien avec le sabbat.
Tu as raison. Que Dieu soit avec nous !
ACTE DEUXIÈME
Une clairière.
remella, trombone puis un vieux
mendiant
Ah ! digne seigneur, où me conduisez-vous ?
Ne craignez rien, madame, nous sommes encore loin du lieu où nous nous trouverons [ 269 ]en sûreté. Les archers de votre père battent les buissons et en font sortir des lutins qui dansent devant les vapeurs de l’aurore.
Petits oiseaux du ciel, que le hibou ne vous effraie pas !
Arrière !
Trombono, prenez garde ! Mes cheveux sentent la mort…
Ah ! la fille du Duc ! Infâme ravisseur ! Je suis le serviteur fidèle lancé sur vos traces ; et je vous reconnais, car j’ai des yeux dans la tête.
[ 270 ]À moi, mânes de mon père !
Ainsi périssent tous ceux qui s’opposent au flamboyant essor de l’amour !
ACTE TROISIÈME
SCÈNE I
Une plaine. Alarme. Escarmouche. Retraite.
Entre le Duc avec son armée.
Je veux boire des larmes de cerf dans une coupe faite avec la moitié d’un crâne. Ah ! le rêve et la raison ! L’un sur l’autre ou l’un sous l’autre ? Mystère insondable de la nature !
[ 271 ]Le chagrin n’a-t-il pas affaibli son jugement ?
Trombono misérable !… Que ses poumons se pourrissent, et que le suintement de ses oreilles lui coule dans la bouche et l’empoisonne… Ma fille, une prostituée ! je sens que le double battement de mon cœur est comme deux pilotes qui naviguent entre les rives du déshonneur et du courroux.
SCÈNE II
Une autre partie de la plaine. Entrent.
Trombono et Remella.
Ne perdez pas l’espérance, chère Remella. La fortune, qui est une bonne ménagère, tissera pour vous des jours heureux de sa soie [ 272 ]la plus lisse. L’armée ne nous cherche pas de ce côté. Prenez cette mante couleur de la tempête, personne ne vous reconnaîtra.
Vous êtes un fils de la Providence, cher Trombono.
Et vous, suave Remella, la parure du firmament.
ACTE QUATRIÈME
Devant le rempart d'une ville. Entrent
l’Archevêque d’York et quelques seigneurs
Faisons diligence. La misérable armée du roi de France a quitté Paris voilà une heure. Elle est en route pour venir combattre la [ 273 ]nôtre. Elle sera là ce soir. Ils ont du sang à perdre encore. Vous en arroserez les sillons de la vieille Angleterre. Ils ont besoin de cracher leurs dents. Ces hommes sont maigres comme des chevaux de brasseur. Nous qui sommes parmi les premiers-nés d’Égypte, nous les pétrirons. Soyez tous absous d’avance.
Il a dégorgé sur nous. Nous voici comme des aigles farcis d’héroïsme.
Je parle la langue près du cœur. Un orage gronde dans ma poitrine. Les avez-vous vus ?
On a fermé les portes de la tour, et les fidèles sujets du roi ont l’intention de manifester leur loyauté par une éclatante revanche.
[ 274 ]Merci.
ACTE CINQUIÈME
Au bord de la mer. Orage.
Par ma gorge ! Damnation ! Voilà la récompense ! Tourbillons de l’ouragan ! Vagues aux féroces gueules vertes ! Éclairs terribles ! Déchirez cet air où j’ai vécu jusqu’ici, fouettez-le, châtiez-le d’avoir permis de telles choses ! Et toi, terre damnée, ouvre-toi pour engloutir le plus infortuné de tes enfants !
Ciel ! le duc, mon père !
[ 275 ]Que mes yeux ne sont-ils devenus chassieux avant de me montrer un tel spectacle !
Trombono, tu vas payer ta perfidie ! Tue ! Tue !
C’est celui-là, monseigneur ?
Vois plutôt.
Je crois que le merlan est recuit sur la table[1].
[ 276 ]Horreur ! Triple horreur ! Tiens, affreux !
Hélas ! je vais coucher avec ma mère la terre.
Le plus petit œil de la lune
A fait cuire la sorcière.
C’est pourquoi le jeune loriot
Va retourner la marmite.
Ma fille a perdu l’esprit. Enfer !
- ↑ Jeu de mots intraduisible en français.