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domaines dans lesquels on n’en tient pas encore suffisamment compte, sans parler des cas où elle n’est pas du tout prise en considération. C’est ainsi qu’à mon avis on n’y attache pas encore l’importance qu’elle mérite dans l’utilisation des témoignages en justice 63 et qu’on attribue aux témoignages faits sous la foi du serment une action trop purificatrice sur le jeu des forces psychiques du témoin. Tout le monde admet qu’en ce qui concerne les traditions et l’histoire légendaire d’un peuple, il faut tenir compte, si l’on veut bien les comprendre, d’un motif semblable, c’est-à-dire le désir de faire disparaître du souvenir du peuple tout ce qui blesse ou choque son sentiment national. Une étude plus approfondie permettra peut-être un jour d’établir une analogie complète entre la manière dont se forment les traditions populaires et celle dont se forment les souvenirs d’enfance de l’individu. Le grand Darwin, qui a très bien compris que l’oubli ne constitue le plus souvent qu’une réaction contre le sentiment pénible ou désagréable lié à certains souvenirs, a tiré de cette conception ce qu’il a appelé la « règle d’or » de la probité scientifique 64.

De même que l’oubli de noms, l’oubli d’impressions peut s’accompagner de faux souvenirs qui, dans les cas où le sujet les considère comme des expressions de la vérité, sont désignés sous le nom d’illusions de la mémoire. Ces illusions de la mémoire, de nature pathologique – et dans la paranoïa elles jouent précisément le rôle d’un élément constitutif de la