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Une lettre datée de Chambord le 20 septembre 1685, envoyée à Grenoble et signée de Colbert de Croissy précise: «On a donné avis au roi qu’il y a plusieurs habitants de la R. P. R. qui sont dans les montagnes des Alpes qui se retirent à Genève et en Savoie et y transportent leurs meubles; qu’il y a même des gentilshommes qui leur donnent asile dans leurs châteaux. Prendre des mesures pour empêcher cela.»[10]

Dans les lettres suivantes, il n’est plus question d’émigration. Le roi se félicite des conversions massives opérées en Dauphiné, particulièrement dans le Pragelas et le Briançonnais, et il annonce l’envoi de six missionnaires dans ces régions pour instruire les «Nouveaux Catholiques».[11]

En revanche, l’intendant revient à plusieurs reprises sur Immigration huguenote de ses administrés. En effet, quelques semaines plus tard, il écrit à Louvois: «Des lettres reçues du Briançonnais m’apprennent que les N. C. de la vallée de Pragelas commencent à quitter le royaume et que plusieurs familles ont passé en Piémont et ensuite à Genève depuis le 1er de ce mois. Commerce secret que les peuples entretiennent toujours avec les ministres et autres religionnaires qui se sont retirés des premiers à Genève et aux environs, qui leurent ces pauvres malheureux de plusieurs beaux établissements en Suisse et dans les États de M. de Brandebourg.»[12]

De fait nous savons que, parmi la foule innombrable des réfugiés qui vinrent à Genève, relativement peu parvinrent à s’y installer.[13] Un bon nombre fut tenté par les promesses du Grand Électeur qui, en réponse à l’édit de Fontainebleau, avait promulgué l’édit de Potsdam dès le 29 octobre 1685, par lequel il offrait «aux dits Français une retraite sûre et libre dans toutes les terres et provinces de notre domination».[14]

Le 8 décembre suivant, l’intendant envoyait à Louvois deux lettres qui montraient que les ministres et autres religionnaires de France réfugiés à Genève et en Suisse: «se servent de toutes sortes de moyens pour débaucher les N. C. et les engager à suivre leur exemple. Et il ne faut pas espérer d’en faire de bons catholiques tant que ce commerce durera [...]. Je cherche autant que je puis les moyens d’en avertir le cours mais je ne vois pas qu’ils dépendent de moi.»[15]

Constatant son impuissance à faire respecter l’ordre royal, en bon administrateur, l’intendant Lebret commence à ouvrir le parapluie hiérarchique. Plus intéressante encore se révèle, par son aspect concret et les informations précises qu’elle implique, sa lettre du 26 décembre adressée au même ministre: «Beaucoup d’habitants de Pragelas et des communautés voisines

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AUDISIO: SURVEILLER LES PASSAGES ALPINS