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contre une quarantaine pour la Savoie, une dizaine pour le Val-d’Aoste, plus une demi-douzaine de personnes parlant un dialecte alémanique, originaires du Gressoney. Ni la proximité ni les ressemblances linguistiques ne sont un critère déterminant en matière de mobilités.

Les Savoyards sont relativement peu nombreux: une quarantaine de passages dont une majorité de marchands. Il s’agit sans doute pour la plupart de colporteurs, qui ne font pas inscrire cette profession sur leurs passeports à une époque où elle est sévèrement réglementée en Suisse.[46] Le préfet du département du Léman les décrit avec exactitude en 1813.[47] «Les marchands colporteurs, peigneurs de chanvre, marchands de graines de jardins, émouleurs, quittent [...] leurs foyers aux approches de l’hiver, parcourent les départements circonvoisins et le canton de Vaud, et rentrent à l’ouverture des travaux de la campagne»; on glisse insensiblement des déplacements saisonniers aux migrations de plus longue durée: «il se fait cependant de ces émigrations dans toutes les saisons, et les retours ne sont point périodiques, plusieurs individus exerçant un commerce ou une industrie quelconque, soit dans l’intérieur de l’Empire, soit en Allemagne, soit en Suisse, font souvent des absences de 1, 2, 3 ou 4 années». Le métier de marchand ambulant a beaucoup perdu de son prestige depuis une cinquantaine d’années et le gain annuel est, d’après le préfet, inférieur à celui des maçons (100 à 120 livres pour les premiers, 120 à 150 pour les seconds). Dans les années 1758-1760 pourtant, les gains des maçons sont encore estimés entre 20 et 40 livres net, ceux des colporteurs à 200 livres![48] La période révolutionnaire est le «début de la fin d’une époque pour le colportage [savoyard]. Cette activité essentielle à l’Ancien Régime va devenir un métier de marginaux.»[49] La plupart des commerçants viennent de Haute-Savoie actuelle (département du Léman), mais on rencontre aussi trois personnes originaires de Beaufort. Deux «marchands» au moins, Jean-Baptiste Martin et Joseph Croisât, sont des marchands-joailliers venus s’approvisionner en montres ou en pièces détachées dans le Jura vaudois. Au 18e siècle, plus d’une centaine de Beaufortains se sont en effet spécialisés dans ce négoce; ils s’approvisionnent à Genève et à Paris surtout, mais aussi dans le Jura, puis «vont vendre des montres et des bijoux à une clientèle d’orfèvres, de joailliers et de bijoutiers, situés dans les principales villes de France. Ils récupèrent aussi le vieil or et le vieil argent, vendent des pièces détachées et font effectuer, pour le compte de leurs clients, des travaux d’orfèvrerie à des artisans spécialisés.»[50] Les «marchands» de la Côte-d’Arbroz et des Gets qui entrent dans le canton du Léman sont

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HISTOIRE DES ALPES - STORIA DELLE ALPI - GESCHICHTE DER ALPEN 1998/3