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frontières et limites.[2] Par le titre français «Mobilité et frontières dans les Alpes», on a cependant déjà opéré un choix limitatif: en effet, les frontières y sont évoquées dans le contexte des barrières qui empêchent ou freinent les migrations et, inversement, des passages qui s’offrent aux flux migratoires. On se limite ainsi aux aspects de défense et contrôle d’un territoire à ses confins; cette notion reste proche de l’usage du 17e siècle qui désigne la frontière comme «l’extrémité d’un Royaume, d’une Province, que les ennemis trouvent de front quand ils veulent entrer».[3] Si cette limitation peut se justifier aisément, il faut aussi être conscient du coût qu’elle implique.[4] Ce choix limitatif n’interdit cependant pas de traiter le problème de la frontière sous des angles différents: dans une perspective étatique, comme un fait social et relationnel, pour enfin en esquisser des usages et pratiques.

1. D’où vient l’intérêt pour les frontières dans ce sens d’une domination politico-territoriale? Il tient surtout à l’effet révélateur de la frontière. L’histoire européenne récente, voire l’histoire du présent en présente un exemple évident. Les passions suscitées par les nationalismes et les luttes pour l’autodétermination semblent se focaliser dans le phénomène des frontières qui en permet une lecture et interprétation concentrées où l’on peut distinguer les frontières «froides» des frontières «chaudes», objets de virulents conflits.[5] Les frontières permettent donc de repérer, voire de mesurer des degrés de conflictualité. Leur délimitation de plus en plus précise dans un système territorial reflète le passage au monde des nations contemporaines.[6] Des limites de la puissance du souverain, définies militairement et juridiquement, on passe au 18e siècle, aux frontières territoriales clairement définies et pacifiées avant que l’époque des nationalismes ne charge cette frontière de passions et de haine.[7]

La frontière apparaît ainsi comme un élément particulièrement révélateur des changements intervenus avec la formation de l’État moderne: l’histoire du monde s’observerait le mieux depuis la frontière; ou, «penser l’Europe à ses frontières», permettrait de s’interroger sur la naissance de la nation ce qui «impose de remonter le long de la frontière vers l'État».[8] Centre et périphérie sont liés dans un rapport étroit où les deux pôles renseignent réciproquement sur l'état de l’autre: dans l’analyse de la frontière, il faut partir de l’État et non pas de la frontière, soutint Lucien Febvre jadis dans un article influent;[9] mais la frontière apparaît en même temps comme «le meilleur indicateur de l’état de l’État».[10] En effet, le regard depuis la périphérie vers le centre pourrait renouveler une histoire de la formation de

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HISTOIRE DES ALPES - STORIA DELLE ALPI - GESCHICHTE DER ALPEN 1998/3