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droit privé (limites entre propriétés privées) au droit public. En effet, on voit apparaître par exemple dans le Saint-Empire des traités juridiques sur la frontière comme thème du droit public et du droit des gens. La reconnaissance d’une frontière stable entre les peuples et états devient «un signe de l’histoire moderne politique, au niveau de l’histoire réelle ainsi qu’au niveau des idées».[19] La frontière devient le lieu de convergence entre deux sujets du droit public, ce qui est devenu possible parce qu’il y a un ius pablicum Europaeum, une communauté de droit supérieure aux états. L’État est représenté dans l’image ancienne du corps dont la peau est la frontière - une image d’ailleurs encore présente chez Ratzel dans la définition de la frontière comme «organe périphérique de l’État»[20] qui est l’objet d’un «surinvestissement» étatique. Dans certains traités de l’époque moderne, l’État est conçu comme un Faustkâmp fer, un «pugiliste» qui doit avoir une peau lisse et brillante.[21]

Or ce corps-État à la peau lisse n’est qu’une fiction politico-juridique aux paradoxes évidents. S’il doit avoir une peau intacte pour se défendre, celle-ci doit être en même temps perméable, si cet État veut s’agrandir et s’accroître. Prenons l’exemple de la montagne. La notion de «frontière naturelle» au sens large est bien une notion ancienne et devient à l’époque moderne un «phénomène d’opinion».[22] Même les plus hautes montagnes, si elles restent jusqu’au 18e siècle pour un regard extérieur un espace sauvage,[23] possèdent cette double qualité de barrière naturelle et passages à contrôler. On l’a dit pour la frontière franco-espagnole dans les Pyrénées: là où les géographes du roi au 17e siècle n’ont vu que des barrières naturelles, ses militaires, eux, ont aperçu des cols et passages possibles.[24] Et ils n’ont rien inventé dans la matière: une description des Alpes qui séparent la France et les états cisal¬ pins donne au 16e siècle déjà l’image d’une frontière-membrane trouée de passages «es Ytalies».[25] Leur vulnérabilité et perméabilité fait que les frontières sont des zones de surinvestissement étatique. La puissance publique y est confrontée à des exigences contradictoires. Un exemple significatif, étudié récemment, est le conflit dans la Valteline pendant la guerre de Trente Ans où l’Espagne doit maintenir les passages ouverts pour acheminer des troupes vers les Pays-Bas et faire en même temps barrage au protestantisme.[26]

En adoptant cette approche, on s’intéresse en principe à la frontière comme un élément extérieur du phénomène étudié en réalité. La frontière est conçue comme un filtre des flux d’hommes et de marchandises qui passent à travers les postes de douanes et de contrôle. Les cols des Alpes tout comme

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HISTOIRE DES ALPES - STORIA DELLE ALPI - GESCHICHTE DER ALPEN 1998/3