rôles: loin de revenir au seul travail agricole ou ménager et de reprendre leur place de femmes au foyer, elles reviennent «entrepreneuses» en créant des auberges, voire des hôtels pour accueillir les alpinistes et les touristes ui arrivent de plus en plus massivement dans leurs vallées.[24]
Le retour peut avoir des implications personnelles lus profondes, notamment avec la famille et l’entourage. On le comprend, pour les migrants saisonniers, le retour e fait que consolider les liens familiaux et communautaires, car il s’inscrit dans l’existence même de cette mobilité régulière et de ses fondements. En revanche, pour les migrants restés éloignés de longues années durant, le retour peut acquérir des significations plus variées. Pour les migrants queyrassins par exemple, l’attachement au village d’origine et l’espoir du retour sont idéalisés au point de se faire enterrer dans le cimetière du village même après plusieurs générations émigrées et même si l’on doit pour cela rapatrier un corps par delà les océans.[25] Pour d’autres le retour consolide des liens familiaux desserrés au fil des années et les réinscrit dans le tissu communautaire. La confrontation avec une réalité modifiée et devenue étrangère n’est pas simple. Ce n’est donc pas étonnant si pour de nombreux émigrants, le retour se fait sous le signe du dépaysement. Pietro Ferrari, lors de son retour à Someo (Tessin) après des années passées à l’étranger, écrit à son frère, resté en Californie: «En ce qui concerne le village, il est tout différent et on a de la peine à le croire: c’est comme si les montagnes et les maisons nous tombent dessus [.. ,].»[26]
Le retour peut même devenir une réelle source d’inquiétude. Les migrants s’interrogent sur leur capacité à se réhabituer à vivre en montagne ou leurs possibilités de se réinsérer au sein de leur propre communauté. Les absences prolongées alimentent les doutes sur le sens du projet de retour. Le problème ne tient pas au seul travail. Les émigrants absents durant de longues années se demandent quelle est encore la réalité des anciens liens. Un émigrant de la Valteline, par exemple, envisageant son retour au village, se demande dans une lettre à sa famille ce qu’il pourra faire chez lui et s’il sera en mesure d’y rester. Un autre de cette même vallée exprime son souci de se retrouver «étranger chez lui» et «rejeté dans un coin».[27] C’est sans compter sur l’attitude des personnes et des membres de la parenté restés au village. Lors de son retour à Cavigliano (Tessin) en 1881, Annunziata Peri rassure son mari resté en Californie. Tous les voisins, les amis et les parents du village «sont venus me voir [...] en m’attestant leur bonheur de m’avoir encore avec eux. Dans ces jours j’au eu beaucoup de visites mais je n’ai pas trouvés d’ennemis, seulement des amis [,..].»[28] Une crainte de la confrontation avec son propre milieu social qui, comme nous le montre