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vallée de Quayras, [...] la saison ne permetant pas dans son pays de travailler encore a la terre».[49] Dans tous ces exemples, la pratique du faux-saunage apparaît comme un complément essentiel - même s’il est parfois improvisé - à d’autres activités exercées au sein du cercle familial.

Le contenu des interrogatoires pourrait aisément suggérer que ce choix de l’illégalité est systématiquement dicté par la pauvreté et relève par conséquent de la seule stratégie de survie. Les discours des accusés vont en effet toujours dans ce sens et l’argument de la misère - souvent doublé de références implicites à l’économie morale - fait partie, comme la prétendue ignorance des règlements et l’affirmation qu’il s’agit d’une première infraction, des poncifs de la défense. Jacques Fournier, déjà cité, ne croit pas «avoir fait aucun mal par cet achapt de sel attendu que sa famille en ayant un pressant besoin, il profita de l’occasion [.] pour luy en porter au plutost». Michel Arnaud, 55 ans, laboureur de Ceillac arrêté avec 30 livres de sel acheté dans la vallée de Barcelonnette, explique «que c’ est la premiere fois qu’ il y est allé acheter du sel et que son extreme pauvreté en a esté la cause, parce que etant chargé d’une famme et de plusieurs enfants et le peu de terres qu’il a ayant esté saisies par ses creanciers n’ayant pas un mourceau de pain, qu’il vendit une seule brebis qu’il avoit au prix de quatre livres dix sols et il est allé employer cest argent aux susdittes trente livres de sel, dans le dessain de le revendre pour employer l’argent qu’il pourroit en rettirer a acheter du bled seigle pour sa nourriture et celle de sa famille»; il ajoute qu’ il «ne croyoit pas qu’ il y eut aucune deffence d’aller acheter du sel dans la vallée de Barcellonette parce que l’argent ne sortoit pas de France».[50]

Plusieurs indices montrent que, dans certains cas, ces arguments sont manifestement fondés, au point d’ailleurs de susciter la clémence des juges. Madeleine Giraud, arrêtée avec 4 livres de sel et d’abord condamnée à verser 100 livres, voit son amende modérée à 12 livres; elle est libérée sur accord du lieutenant des gabelles «attandu qu’elle n’a pas heu moyen de payer les fraix d’une requete pour demander son elargissement»; ses complices, eux aussi arrêtés avec de petites quantités de sel et dont l’amende a été modérée à 30 livres, ne peuvent la verser que «par le secours de quelques personnes charittables et de langage- ment de tous leurs biens».[51] Pierre Retournat, laboureur du Mont-de-Lans en Oisans, et son fils sont soupçonnés d’acheter en gros du sel à Briançon pour le faire passer en fraude dans la vallée d’Oisans et le revendre au détail dans leur village. Le fils est en fuite; le père, arrêté et emprisonné, dépose une requête dans laquelle il argue de sa pauvreté et de sa maladie pour négocier la peine qu’il

encourt, «moyenant le consantement que le supliant donne a ce que les choses

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Histoire des Alpes - Storia delle Alpi - Geschichte der Alpen 2009/14