saisies soient declarées confisquées au profit du fermier, l’offre quil fait de payer avant aucun elargissement la somme de cent vingt livres pour tenir lieu de toute amande et tous les frais et depens de justice [...] au moyen de la vante quil a fait de son peu de meubles bestiaux et recolte et du petit secours que luy ont preté les charités de ses parents et autres». La proposition est acceptée et Pierre Retournat libéré.[52] Reste qu’il a fallu rassembler cette somme déjà conséquente de 120 livres, peut-être grâce aux bénéfices tirés de la vente de faux-sel ou, à tout le moins, grâce à la solidarité familiale.
En dépit des arguments avancés par les contrevenants, il semble donc bien que le choix de l’illicite soit loin d’être toujours le fruit de la misère et que les faux- sauniers ne se situent pas tous au plus bas de la hiérarchie sociale, comme cela a été montré pour d’autres formes de pluriactivité.[53] Claude Philip, ce laboureur d’Arvieux arrêté alors qu’il allait revendre son sel à la foire de Guillestre, est, nonobstant ses dénégations et supplications (il se dit chargé d’une «nombreuse famille»), «reputé fauxsonnier» et condamné à une amende de 300 livres, qu’il parvient à verser le jour même de son jugement.[54] Jean-Baptiste Gonnet, laboureur du Casset arrêté avec 223 livres de sel privilégié qu’il s’apprêtait à revendre à Villar-d’Arêne, dit connaître les défenses «mais que n’ayant pas du bled pour sa nourriture pendant l’hiver, il a cru pouvoir gagner par cette voiture de quoy achetter quelques setiers de bled pour vivre»;[55] or il a bien fallu qu’il paie ces deux minots de sel, ou qu’il offre au moins certaines garanties pour qu’on les lui confie. Sur ce point, une dernière série d’indices laissent à penser que ces pratiques illicites, qui sont aussi une manière originale pour les habitants des hautes vallées de s’insérer dans le marché - fût-il parallèle -, sont parfois soutenues, si ce n’est encouragées, par les autorités ou les élites locales (curé, seigneur, notables), dont on sait le poids au village.[56] La pratique du cautionnement est ici particulièrement révélatrice de ces liens de protection et de dépendance. Jacques Cheylan, laboureur de Saint-Crépin, pris avec 55 livres de sel et condamné à 200 livres d’amende, est libéré grâce à l’intervention du «sieur» Jacques Chapen, châtelain du lieu, qui «fait prier Messieurs les fermiers generaux de vouloir [.] moderer [l’amende] a la somme de vingt quatre livres» et en règle le montant.[57] À Eygliers, c’est le curé qui prend la défense de son valet devant le lieutenant des gabelles, parvient à faire modérer l’amende à 12tlivres (après avoir «consenti» à la confiscation du sel saisi) et règle les frais de justice.[58] Quant au sieur Albertin, «bourgeois» de La Grave,[59] il se porte caution pour trois femmes du hameau des Hyères arrêtées avec 60 livres de sel achetées au Casset. Si rien ne permet de prouver plus avant l’implication des