qualifié de «va-et-vient» en 1910. Et ce n’est qu’après la guerre qu’émerge le terme de «rapatriés», pour désigner des retours involontaires.
L’analyse des migrations dites de retour montre donc l’existence de deux groupes distincts de «migrants qui rentrent au pays». Le premier groupe de migrants est composé de migrants temporaires et périodiques - Grisons, Tessinois - avec des retours fréquents au pays, et d’émigrés qui, après un séjour plus ou moins prolongé, reviennent au pays et dont les liens ne se sont jamais entièrement rompus avec le lieu de départ. Ils ont pour caractéristique d’être nés en Suisse et/ou d’y avoir vécu. Et si certains d’entre eux, après une absence prolongée, sont devenus moins familiers avec les usages du pays, voire la langue du pays, leur réinsertion dans la société pose moins de problèmes que celle du second groupe composé de personnes qui se caractérisent par une absence totale de familiarité avec le monde suisse.
La durée de l'absence pour qu'il y ait retour
La seconde difficulté liée à l’appréhension de la migration de retour véritable est celle du temps qui s’est écoulé depuis le départ. À partir de quelle durée un déplacement hors des frontières, voire à l’intérieur du pays, peut-il être qualifié de migration de retour, et non pas de simple voyage? En fait, les textes officiels qui reflètent surtout l’opportunisme politique n’apportent guère de réponse précise. En 1910, dans son rapport de gestion, le Conseil fédéral observe que les formes de la migration se sont modifiées, que «par émigration, on n’entend plus seulement ceux qui quittent leur pays pour se créer une nouvelle existence au-delà des mers», mais que les moyens de communication ont permis «l’extension du marché du travail» et que «beaucoup d’émigrants, dès que le travail vient à manquer dans le pays où ils étaient venus, s’en retournent dans leur patrie, quelques-uns pour y rester, la plupart pour émigrer de nouveau au bout de peu de temps».[12] Néanmoins, il est précisé en 1915 que l’émigrant est celui qui reste «un certain temps (plus d’une année)» outre-mer.[13] Et quelques années plus tard, au début des années 1920, dans le contexte très difficile du retour de nombreux Suisses de l’étranger et des secours qu’il faut leur accorder, cette durée minimale s’est accrue. À la suggestion des institutions de bienfaisance privées, seul un séjour ininterrompu pour le moins de deux ans à l’étranger permettait de solliciter des secours publics ou privés.[14] On conçoit sans peine que ces normes légales ne correspondent guère à la réalité dans un contexte de