était souvent problématique du fait des structures d’une société restée très patriarcale et marquée par un catholicisme intransigeant. Ceux qui reviennent sont confrontés à une société avec laquelle ils ne peuvent plus s’identifier.[15] D’autres causes, plus prosaïques, mais mal étudiées, ont peut-être aussi joué un rôle dans le non-retour définitif au village, ainsi une éventuelle politique restrictive en matière de nouvelles constructions dans les communes de montagne. Des données plus tardives, des années 1950, témoignent encore de la difficulté des conditions de logement lorsque les familles nombreuses devaient parfois s’entasser dans quelques pièces exiguës.[16]
Il est indéniable aussi qu’après la Première Guerre mondiale, la tendance pour les anciens émigrés était de s’établir en ville plutôt que le retour à leur lieu de départ, tout au moins tant qu’ils étaient dans la vie active. Les compétences acquises par les ruraux ne trouvent le plus souvent pas à s’employer dans le monde alpin et préalpin, sauf si de nouveaux secteurs d’emploi se développent, comme le tourisme dans certaines vallées valaisannes. Mais l’espace alpin n’offre que des possibilités limitées aux ruraux de retour spécialisés dans le secteur agricole à l’étranger. C’est le cas des Tessinois actifs dans la production laitière en Californie[17] ou des fromagers des Préalpes essaimés dans de nombreux pays européens. Pour les ruraux ayant acquis de nouvelles compétences, c’est vers la ville et les centres industriels du Plateau que certains se dirigent de préférence, un phénomène bien visible dans l’entre-deux-guerres. Il est alors estimé que les deux tiers de ceux qui reviennent au pays s’établissent en ville.[18] Cela n’est sans provoquer des frictions entre les instances chargées d’une éventuelle prise en charge en cas de chômage ou de ressources insuffisantes. Quant aux migrants d’origine urbaine, les qualifications supplémentaires acquises à l’étranger leur permettent souvent une meilleure ascension sociale, comme je le préciserai plus loin et c’ est souvent aussi leur expérience acquise à l’étranger qui a profité à la Suisse après leur retour.
L'appartenance de la Suisse à un modèle de faibles pratiques de retour
Un premier constat est celui de la proportion réduite des retours par rapport à certains pays voisins, et que les analyses micro-démographiques permettent d’appréhender avec quelques certitudes.[19] Bien entendu, il faut s’entendre sur le terme de retour, puisque sa portée varie grandement selon les époques. Le