entre les Remondini et leurs clients, conseillant parfois les producteurs pour qu’ils puissent s’adapter au goût de leurs acheteurs dans les différents pays. Dans un premier temps, le travail était saisonnier et durait de l’automne au printemps. Les colporteurs redevenaient agriculteurs durant l’été. Peu à peu, leur rayon d’activité s’étendit jusqu’à atteindre les autres continents. Les absences se firent alors plus longues, durant parfois quelques années. Les retours au Tesino s’espacèrent, car les Tesini diversifièrent progressivement leurs sources d’approvisionnement avec des fournisseurs étrangers ou avec des Tesini installés à l’étranger comme par exemple l’imprimerie Pasqualini à Brno en Moravie. Les liens avec la vallée natale demeuraient néanmoins étroits, la main d’œuvre employée dans les magasins provenant uniquement du Tesino et, dans beaucoup de cas, la propriété des magasins se transmettait exclusivement entre les habitants de la vallée. L’exemple le plus célèbre est celui de Giuseppe Daziaro qui, en 1827, ouvrit un magasin à Moscou, puis d’autres magasins à Saint-Pétersbourg, Paris et Varsovie. Les produits qu’il faisait imprimer à Paris attirèrent rapidement une clientèle de luxe et il devint ainsi le fournisseur officiel du tsar. En 1846, il existait des magasins tesini dans les plus grandes villes d’Europe, surtout en France et en Russie qui s’ajoutent au réseau des marchands ambulants qui pendant plus de trois siècles ont parcouru toute l’Europe, les Amériques, l’Asie jusqu’à atteindre l’Australie et la Nouvelle Zélande.
Nombreux furent les habitants participant à cette activité et de nombreux documents dans les archives paroissiales et communales de ces villages témoignent de leurs déplacements. E. F. Ielen a utilisé les registres de nais- sances, de mariages et de décès des villages de la vallée pour reconstituer les différentes étapes de la création des réseaux des Tesini.[5] Ce sont surtout les actes de décès reçus de l’étranger qui ont fourni de nombreux renseignements. Mariano Avanzo, quant à lui, a pu reconstruire les itinéraires des migrants à travers l’Europe grâce aux demandes de passeport et aux certificats de bonne vie et mœurs déposés dans les Archives Municipales de Pieve Tesino.[6] Et pour la période plus contemporaine, les nombreux témoignages et photos de parents prises aux quatre coins du monde montrent l’importance du retour à la vallée natale. L’activité de colportage des Tesini tarit après la Première guerre mondiale. En dépit de ces diverses sources, il est difficile d’évaluer avec précision la fréquence et l’impact des retours dans les villages d’origine. De manière plus générale, il manque encore des recherche approfondies sur le retour des migrants saisonniers.