la période dite de l’émigration de masse, j’ai été confronté aux phénomènes migratoires antérieurs, notamment à l’émigration de métier. Ainsi, en 1846, il existe un magasin tesino à Besançon qui devait être l’un de ces nombreux relais entre l’Europe Orientale et l’Europe Occidentale. Mais il est difficile de retracer l’histoire des Tesini à Besançon, faute de sources. Hormis l’acte de mariage d’un Tesino et d’une Française, daté de 1857, il ne subsiste dans les archives aucune trace d’une quelconque activité commerciale. À partir de 1876, les Tesini disparaissent des listes nominatives de recensement de la ville de Besançon.
Les premières mentions d’une famille trentine dans les listes nominatives de recensement de Franche-Comté datent de 1906 et de 1911. Il s’agit d’une famille de Terragnolo établie à Pontarlier,[17] mais qui disparaît des registres d’après-guerre. Les recherches dans les Archives Municipales de Terra- gnolo - des archives qui n’ont par ailleurs jamais été classées - ont permis de déterminer avec certitude qu’ils étaient rentrés au village natal. Il existe, en effet, une demande de passeport datée de 1930 pour l’un des fils de cette famille qui déclare vouloir rejoindre son ancien employeur d’avant-guerre à Pontarlier, mais cette demande n’ a pas abouti ainsi qu’ il ressort des documents d’archives.
À partir de 1924, des migrants des vallées du Leno commencent à s’installer dans la région de Belfort et de Montbéliard, au nord de la région. Dans la petite ville de Delle, à la frontière de la Suisse et de l’Alsace, la colonie trentine se développe assez rapidement. En l’espace d’une dizaine d’années, les Trentins deviennent majoritaires parmi les Italiens de la ville. Lors du recensement de 1926, la commune compte 2870 habitants dont 532 étrangers.[18] Les plus nombreux sont les Suisses (424). Parmi les autres étrangers, on compte 83 Italiens dont 32 de la seule province de Trente, soit près de 39 pour cent de la commu- nauté italienne et 6 pour cent des étrangers. Le recensement de 1931 indique 3274 individus et 728 étrangers, dont 80 Trentini, 6 Trentini déjà naturalisés et 90 Italiens venant d’autres provinces. Les Trentins représentent alors 47 pour cent des Italiens et 11 pour cent des étrangers. En 1936, la tendance se confirme. La ville compte 3282 habitants dont 545 étrangers parmi lesquels on dénombre 95 Trentini (mais seulement 65 Italiens d’autres provinces) qui représentent près de 60 pour cent des Italiens et 17 pour cent des étrangers, alors que les Suisses sont toujours majoritaires avec 370 personnes. Les Trentins travaillent principalement dans le bâtiment (maçons, carriers, manœuvres) ou comme ouvriers dans les usines qui, à l’époque, sont en pleine expansion.