été déclarés par leurs employeurs, de sorte que leurs retraites sont assez petites et que pour certains un retour au Trentin reste envisageable. Néanmoins, parmi les entretiens réalisés, je n’ai recensé qu’un seul retour défi- nitif au Trentin. Il s’agit d’un cas particulier, celui d’un couple d’immigrés de Terragnolo ayant eu deux filles, toutes deux nées en France, mais qui ont épousé des Trentins du même village rencontrés au cours de leurs séjours estivaux. L’une des filles est restée en France avec son mari, l’autre s’est installée à Terragnolo. Les parents qui ne possédaient pas de maison en France mais qui avaient une maison au Trentin (où leur fille habite avec son mari et ses enfants) décidèrent de retourner vivre au Trentin après 50 ans passés en France. La maison et la situation des enfants sont donc des éléments qui peuvent contribuer à fixer les migrants dans le pays d’expatriation. Pour ceux qui ont une seconde maison au village d’origine, les retours s’effectuent presque chaque été, mais il ne s’agit alors que de retours temporaires sans aucune intention de retour permanent.
Le contexte politique actuel qui permet la libre circulation dans l’Union Euro- péenne et la proximité de la France donnent l’occasion de revenir souvent en Italie. Le phénomène des migrations de retour dépend alors davantage de choix individuels et familiaux que de logiques de communauté comme cela peut être le cas pour d’autres pays d’émigration. Pour les Trentins émigrés en France il semble que l’objectif principal ait été celui de travailler et de s’intégrer le plus rapidement possible. Leur arrivée s’est produite durant l’entre-deux-guerres et dans les années des Trente Glorieuses, à des périodes où le modèle français d’assimilation et d’intégration des étrangers fonctionnait très bien. L’intégration des Trentins en France et le faible nombre de retours définitifs sont, à mon avis, représentatifs du modèle de citoyenneté à la française tel que le définissent les sociologues Castles et Miller.[22] Ils qualifient ce modèle de républicain ou d’unitaire. Selon leur analyse, il peut être appliqué aux pays comme la France, l’Argentine ou le Brésil. Le droit du sol, le ius soli, y prédomine et les natura- lisations ont été ou sont encore encouragées.
En conclusion, lorsque le centre du réseau social n’est plus le pays d’origine mais le pays d’arrivée, la probabilité de retour est très basse. Dans le cas des francesi, ce passage a eu lieu très rapidement. La force du modèle français d’assimilation et d’intégration, la situation difficile de l’Italie à l’époque de la migration sont à l’origine de cette évolution rapide. Parmi la première génération, la nostalgie du pays natal reste fortement ancrée même s’il n’y a plus de retours depuis des années. En août 2007, avant de me rendre au Trentin, je suis allé rendre visite à Giuseppina M. Je lui ai demandé alors si elle désirait que je lui ramène quelque