incité à l’engagement au moment du départ (sous-emploi, basse rémunération) prévalaient encore au moment du retour après quelques années de service. Une exception semble avoir été celle de certains soldats du Tavetsch (Grisons) qui, rentrés au Pays, auraient acquis, aux Pays-Bas, des compétences dans le domaine des laitages très utiles pour la vie civile.[26]
Tout comme au XIXe et début du XXe siècle, les migrations temporaires ou viagères de spécialisation professionnelle sont surtout masculines, mais leurs formes varient dans leurs objectifs.[27] Elles concernent aussi bien les milieux urbains que les milieux ruraux, mais les comportements de ces deux groupes ne se confondent pas. L’émigration des ressortissants issus de classes dirigeantes ou du milieu artisan vise au perfectionnement de leurs connaissances par des séjours de plusieurs années à l’étranger avant de retourner au pays: voyez les ressortissants issus des grosses bourgades glaronaises, ceux des Grisons ou de St-Gall. L’objectif n’est pas l’établissement durable à l’étranger: il dépend du besoin des affaires, mais aussi des possibilités d’emploi au pays.[28] En cas d’absence d’emploi, cette migration que je qualifie d’attente d’opportunités se transforme en migration définitive. Mais comme on peut l’observer dans le cas des ressortissants de la ville de St-Gall, ou de ceux de Glaris, avec le développement de l’Etat fédéral, les qualifications acquises à l’étranger leur ont permis d’accéder à de hautes charges dans l’administration fédérale au XIXe siècle. Mais pour certaines formes de migration tessinoise ou grisonne, le retour au pays ne peut se faire qu’en fin de vie si suffisamment de capital a été accumulé à l’étranger, l’absence de demande pour leurs qualifications très spécialisées prévenant un retour définitif durant la vie active. C’est aussi le cas des fromagers en Russie, leur séjour ayant été souvent «un mal nécessaire».[29] Toutefois, jusqu’à la Première Guerre mondiale, c’est aussi dans le milieu entrepreneurial que le retour se fait progressivement plus rare, quel qu’ait été le lieu de création des maisons de commerce ou des fabriques. Même les cafetiers grisons et glaronais rentrent plus rarement au pays et n’y retournent pas en fin de vie.[30]
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le retour est fortement associé, dans l’esprit des contemporains, aux migrations périodiques aussi bien des femmes que des hommes, qu’il s’agisse de celles des Grisons du Tavetsch vers l’Allemagne, de ceux de l’Engadine ou du Rheinwald vers les métropoles européennes, de celles des Hauts-Valaisans vers les Etats-Unis, ou celles des Tessinois vers la Suisse alémanique ou les destinations européennes. L’émigration périodique a été un facteur déterminant dans la proportion de retours. C’est elle justement