Reproduction fac-similé d'un dessin (Bartholomeu Lourenço de Gusmão)/Préface

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PRÉFACE


Bartholomeu Lourenço de Gusmão fut le premier inventeur des aérostats qui « s’éleva dans les airs en partant d’un point donné pour atterrir à un autre endroit. »

Il a, sans contredit, toute priorité dans les tentatives rationnelles qui ont fait naître l’art aéronautique et il est le premier aéronaute qui entra avec une «machine dans le royaume des airs », à l’aide d’un appareil qui lui permit de se transporter d’un lieu dans un autre.

Il naquit à Santos Etat de Saint-Paul, Brésil en 1685. C´était le quatrième fils de Francisco Lourenço, chirurgien en chef des prisons de cette ville, et de D. Maria Alvares. Douze fils naquirent de ce mariage.

I. Alexandre de Gusmão, chevalier du Christ, gentilhomme à la cour, docteur en droit de l’Université de Paris, diplomate célèbre.

II. Jean Alvares de Santa Maria, religieux du Carmel.

III. Simon Alvares, de la Compagnie de Jésus.

IV. BARTHOLOMEU LOURENÇO.

V. Ignacio Rodrigues, de la Compagnie de Jésus.

VI. Patrice de Santa Maria, religieux franciscain.

Et six sœurs, quatre d’entre elles se marièrent et les deux autres entrèrent dans les ordres d'un couvent de Santarem.

Le parrain de Bartholomeu Lourenço fut le savant jésuite Alexandre de Gusmão et ce fut en considération de ce noble parrainage que Lourenço et son frère Alexandre ajoutèrent à leur nom patronymique celui de Gusmão, au lieu de Rodrigues, qui était le nom de famille de leur père.

Ce fut sous la direction des Pères jésuites à Santos, que le jeune Bartholomeu fit ses premières études; il alla les compléter ensuite au séminaire de Belem, à Bahia.

Il se consacra avec ardeur à l’étude des sciences physiques et mathématiques. Sa mémoire était prodigieuse.

En 1705, il remarqua que le séminaire de Bahia, situé à 100 mètres d’altitude, avait beaucoup de difficultés pour recevoir l’eau nécessaire à l’alimentation générale; d’après ce que nous rapporte le capitaine de corvette [ 8 ]Henri Boiteux, il inventa un système de pompes pour faire parvenir, à cette altitude, toute l'eau dont avait besoin le séminaire.

Bartholomeu demanda alors à la Chambre municipale de Bahia, par l'entremise du recteur, le père jésuite Alexandre de Gusmão (son parrain), le brevet de cette invention, qui lui fut accordé en séance du 12 décembre 1705, séance à laquelle assistaient les conseillers municipaux Pereira de Vasconcellos, Palhares, França et Aranha.

Ce fut la première invention de Bartholomeu Lourenço de Gusmão.

Vers l'âge de 21 ans, il s'embarqua pour le Portugal. Là, doué d'une grande intelligence, connaissant à fond le français, l'italien, le latin, le grec et l'hébreu, B. de Gusmão était réputé comme un des meilleurs orateurs sacrés. Il était très estimé par le Roi Jean V de Portugal, qui professait beaucoup d'admiration pour son grand talent.

En avril 1709, il adressa au Roi une pétition pour le brevet-patente de son invention de l'aéronef qui lui fut accordé, le 19 de ce mois.

Le 8 août 1709, en présence du Roi et de la cour, il put réaliser sa première ascension aéronautique, en partant sur son instrument, de la Tour de la Maison de l'Inde (Château de Saint-Georges), pour atterrir au Terreiro do Paço.

Par notre initiative, l'Aéro-club de Portugal obtint que la Chambre municipale de Lisbonne, en séance du 7 décembre 1911, décidât de donner le nom de Bartholomeu de Gusmão à la rue qui donne accès à la porte principale du Château de Saint-Georges et qu'une plaque commémorative (inaugurée le 8 août 1912) soit placée à l'endroit où fut effectuée, en 1709, la première ascension aéronautique.

Le peuple surnomma B. de Gusmão le Voador, l'Homme volant.

L'ascension effectuée par B. de Gusmão fut un événement sensationnel aux yeux de tous les habitants de Lisbonne, mais les acclamations populaires qui l'accueillirent n'eurent pas, à cette époque, de répercussion au delà des frontières. Cela était dù, d'abord à l'insuffisance des communications rapides par voie de terre entre le Portugal et les autres nations du continent; ensuite à ce que la langue portugaise n'était pas répandue et que, par conséquent, les échanges intellectuels de livres et de revues souffraient d'un état de choses inhérent aux mœurs et coutumes de ce temps-là.

Pourtant, ce fut la première machine à voler dont on ait publiquement contrôlé l’existence et le fonctionnement.

La critique, l’appréciation ironique, les jeux de mots n’épargnèrent pas l’heureux inventeur. Par dérision, on appela sa machine: Passarola(passereau).

Plusieurs personnes affirmèrent alors que la force ascensionnelle de cet [ 9 ]aéronef était d'origine électro-magnétique. Beaucoup d'écrivains admettent que B. de Gusmão employa l’air chaud.

Si le public de Lisbonne, en 1709, baptisa du nom de Passarola (passereau) la machine de B. de Gusmão, l'esprit satirique et la dérision n'empêchèrent point que l'inventeur ne posât un principe, vérifié plus tard; la science de Gusmão allait à l'encontre des préjugés du temps.

Nous reproduisons ici en fac-similé le dessin à la plume de l'aéronef de Gusmão, sa description et la pétition adressée au Roi Jean V de Portugal en langue latine et en une écriture qui semble contemporaine, retrouvés en mars 1917 dans les archives du Saint-Siège, dans le fondo Bolognetti, volume 116, pages 69-72, par M. le Dr Joseph Herzen et dont Son Excellence Monseigneur Mariano Ugolini, sous-archiviste du Saint-Siège, a bien voulu nous permettre de faire faire la reproduction photographique.

Cet aéronef figure aussi sur une feuille volante viennoise, publiée en 1709, contenant la description faite par François Gualzeti, reproduite dans l'ouvrage de M. le Comte de Klinckowstroem, d'où nous la prîmes à notre tour pour la reproduire, dans notre ouvrage: Académie Aéronautique Bartholomeu de Gusmão. Son rôle et son action dans les revendications émises en faveur de B. de Gusmão. Lausanne 1913.

Dans cette feuille volante on indique que les deux globes E renferment des aimants pour soulever le bateau et que dans le même but, le filet F contient une grande quantité de morceaux d'ambre.

Nous ignorons jusqu'à quel point doit être considéré comme authentique ce dessin si différent de celui qui est conservé à la Bibliothèque de l'Université de Coimbra, que nous reproduisîmes dans notre opuscule sur le Précurseur des Navigateurs aériens. Lausanne 1910.

Dans une séance de l'Académie des Sciences de Portugal, le 1er décembre 1909, M. l'abbé Himalaya expliqua que d'après lui, le secret de l'invention de Gusmão consistait dans l'emploi de 12 à 14 petits ballons disposés symétriquement autour d'une espèce de petite barque formant nacelle et à laquelle ils étaient fixés par leur base ou extrémité inférieure.

Toute la série des petits ballons se trouvait liée, à leur partie supérieure, à un plan horizontal; il y avait deux autres plans mobiles dans la partie inférieure de la petite barque ou nacelle.

Le gaz qui servit à gonfler les petits ballons devait être de l'hydrogène, fabriqué avec de l'acide sulfurique, mêlé d'eau et de limaille de fer; ces ingrédients étaient placés dans deux sphères, munies de tubes à l'aide desquels le gaz était distribué à ces petits ballons par leur extrémité inférieure. L'abbé Himalaya base son opinion à propos de l'emploi de l'hydrogène par B. de Gus[ 10 ]mâo, au lieu de l'air chaud, sur les constatations ci-après: 1° la forme des petits ballons ne permettait pas qu'on pût y entretenir une lumiére ou un foyer en vue de conserver et de renouveler l'air chaud; 2° on reconnaît dans une estampe qu'il présenta, imprimée en 1774, qu'il y a bien deux sphères qui, selon Gusmão, constituaient le secret de son invention; 3° une note de cette estampe dit que la machine s'est élevée au moyen de gaz; ce ne pouvait être que de l'hydrogène parce qu'il était connu par les alchimistes et que sa fabrication en était facile à obtenir.

L'abbé Himalaya démontra aussi les avantages du système inventé par B. de Gusmão au point de vue des applications militaires en temps de guerre et il conclut que l'on doit à B. de Gusmão:

1° L'invention des machines aéronautiques mixtes, c'est-à-dire des ballons, avec quelques éléments d'aéroplanes.

2° La découverte des propriétés de l'hydrogène.

L'abbé Himalaya dit encore que l'un des avantages de cette machine était de permettre la découverte des régions polaires, qu'enfin B. de Gusmão eut recours à des moyens fort ingénieux pour protéger sa personne, en prévision de quelque chute.

Après les expériences qui eurent lieu, le 8 août 1709, Gusmão fut en butte aux mesquineries de ses contemporains; objet de toutes les critiques et déjà victime des attaques imméritées qui accueillirent sa tentative si hardie, il décida de ne pas la recommencer. Il se consacra entièrement à son professorat près l'Université de Coimbra et à ses devoirs de prédicateur.

Au sujet d'un de ses sermons prêché à Lisbonne le 23 janvier 1713, nous reproduisons ici une lettre et un sonnet du Dr Miguel de Castro Lara que nous supposons inédits et qui nous furent aimablement communiqués par M. Carlos Alberto Ferreira, conservateur de la Bibliothèque d'Ajuda.

Carta, que com o soneto ao diante escreveu o Dr Miguel de Castro Lara[1] ao Rdo Pe BARTHOLOMEU LOURENÇO DE GUSMAO, em louvor do discretmo Panegirico, que pregou dos Desposorios de S. Jozé em o Convento das Relligiozas Bernardas, da cidade de Lixa em 23 de Janeiro do anno de 1713:

Meu Senhor,

Ouvir prégár a V. mce, precizamte obriga a emmudecer ainda os que se tem na conta de mais eloquentes: porem desta regra me exceptua a minha rudeza, para que admire o mundo, que a profunda sabedoria de V. m, obra em mim o prodigioso milagre de fazer falar a muda lingoa da minha ignorancia.

[ 11 ] Os Doutos, como eloquentes, calando, admiram no heroyco sermão de V. mce, a inimitada valentia de espirito o mais elevado : Eu, como ignorante fallando, me arrojey a offender plo caminho de o louvar.

O meus erros, q são propriedades inseparaveis da humilde fraqueza do meu entendimto, tem grande desculpa no meu affecto; e no generozo de V. m, se facilita o atrevimto com q os cometo. Passe V.m, pellos olhos este Soneto; que na gloria de dar a conhecer o dezo que me assiste de eu querer louvar o incomprehensivel engenho, e vastissima ciencia de V. m, me servirà de lizonja toda a censura; e mais quando em os proprios erros, que confesso, para desterrar as sombras da minha ignorancia, não alcanso menos interessada ventura, que a de os ver emmendados pellas utilissimas luzes da singular ciencia de V. m que Ds Gde mtos anos &.

Amo e Servor de V. m,
Lara.

Ao discreto acerto,com q, pregou dos Despozorios de São José, o Pe Bmeu Lourenço, clerico do Habito de S. Pedro, &.

SONETO

Em Jozé, gloria foy de Espozo amado,
ser da Espoza, e do Filho obedecido:
mas por Vóz este aplauzo repetido,
a Jozé faz na gloria avantajado.

Do matrimonio o vinculo sagrado,
cauza no Espozo jugo conhecido:
mas Vóz fazeis o jugo apetecido,
trocando a escravidão em doce agrado.

Tanto sobiz de ponto descrevendo;
que se gloria Jozé fica adquirindo,
gloria ficais tambem Vóz merecendo:

Pois na Escada q vio Jacob dormindo;
Se a outros Pregadores vio descendo;
hum dos Anjos sois Vóz, que vio sobindo.

Lara.

(Manuscrit de la Bibl. de Ajuda, nº 49 III 66 f. 1-3 Miscelanea Poetica.)

Il obtint, en 1720, à l’Université de Coimbra, le grade de licencié en droit canon, et reçut la prêtrise à son retour d'un voyage en Hollande.

Lorsque le comte de Ericeira, soutenu et aidé par le roi Jean V, créa, le 8 décembre 1720, l’Académie royale de l’histoire portugaise, B. de Gusmão fut nommé membre effectif de cette Académie, qui comptait seulement 3o titulaires.

Sa notoriété était si considérable, en raison de ses mérites et de ses travaux, qu'il devint Gentilhomme à la cour de Lisbonne, par brevet royal du 6 janvier 1722, et fut nommé Chapelain du roi.

[ 12 ]Il fut chargé, en 1721, d'une mission diplomatique près le Saint-Siège, à l'effet d'obtenir que la chapelle royale de Lisbonne fût élevée au rang d'Eglise patriarcale. Il ne réussit point dans cette mission et il fut remplacé par son frère, Alexandre de Gusmão, écrivain et secrétaire à la main, au service de Jean V, plus tard ministre d'Etat, un célèbre diplomate.

Quand l'inventeur fut de retour à Lisbonne, de nouvelles intrigues se nouèrent contre lui: le motif prit source dans l'échec de sa mission près le Saint-Siège, mais surtout dans de fausses dénonciations.

Déféré au Tribunal de l'Inquisition, il était sur le point d'être arrêté ; il se décida à quitter le pays, le 26 septembre 1724, accompagné de son frère, Jean Alvares de Santa Maria, religieux du Carmel.

Réfugié à Tolède (Espagne), malade, il mourut dans la misère, le 19 novembre 1724, à l'âge de 38 ans, à l'hôpital de la Miséricorde; il fut inhumé dans l'église Saint-Romain, aux frais de la congrégation des Frères de Saint-Pierre.

A notre demande et par proposition du Dr Jean Moraleda, la Municipalité de Tolède apposa le 5 juin 1912 une plaque commémorative dans l'Eglise de Saint-Romain, où fut inhumé B. de Gusmão.

Cet acte, qui honore l'Espagne moderne et particulièrement la ville de Tolède, fut le premier hommage public rendu à l’inventeur, hors sa Mère Patrie et hors l’Amérique.

L’éloge public de Gusmão a été prononcé pour la première fois, en France, au Congrès International Aéronautique de 1889, à Paris, par l’ex-sénateur, amiral Baron de Teffé, de l’Académie des Sciences de Paris, ancien Ministre Plénipotentiaire du Brésil. Cet érudit écrivain dont nous avons eu l’honneur et le plaisir de faire récemment la connaissance personnelle, ici, à Lausanne, et auquel nous nous permettons de dédier ce modeste fascicule en témoignage de haute admiration, revendiqua hautement au profit de Bartholomeu de Gusmão le mérite de l’invention du ballon et celui du premier voyage aéronautique fait en Europe.

Au grand déjeuner commémoratif du deuxième centenaire de la découverte de l’aérostation par B. de Gusmão (organisé par la revue Latina, dont nous fumes Directeur), qui eut lieu au restaurant Palmarium, à Paris, le 8 août 1909, sous la présidence de Camille Flammarion, nous vint l’idée, inspirée par un sentiment patriotique et d’admiration pour Gusmão, de l’Académie Aéronautique Bartholomeu de Gusmão, que nous fondâmes à Paris le 30 août 1909 la déclarant, selon la loi, à la Préfecture de Police, le 4 mai 1910 (Journal officiel du 16 juin 1910).

Cette Académie s’attache à honorer la glorieuse mémoire de ce Portugais-Brésilien.

[ 13 ]Depuis lors, l’Académie a toujours célébré chaque année, par un banquet, la glorieuse date du 8 août.

Le 7 août 1910 le banquet fut présidé par M. le Dr Magalhães Lima, et eut lieu au Restaurant du Pont de Fer, boulevard Poissonnière, à Paris.

Le 6 août 1911, le banquet présidé par notre ami Xavier de Carvalho, eut lieu au Restaurant Corazza, dans le Jardin du Palais Royal.

Le 8 août 1911, sous la présidence du consul du Brésil, M. Vaudano et de M. Eugène Egas, il y eut un banquet de Brésiliens et d’Italiens à l’Hôtel Bonne Femme à Turin pour commémorer Gusmão.

Ce même jour un banquet fut organisé à Tolède sous la présidence de M. le Dr Jean Moraleda.

Le 8 août 1912, le banquet présidé par M. le commandeur Alfaya Rodrigues (de Santos) eut lieu à Luna Park, à Paris.

Le 10 août 1913, l’Académie Aéronautique fit placer une plaque commémorative au 79 avenue du Maine, à Paris, endroit où eut lieu, le 12 mai 1902, la catastrophe du dirigeable Pax, monté par l’aéronaute Augusto Severo et par son mécanicien français Sachet.

Après cette pieuse cérémonie, eut lieu au Restaurant du Palais d’Orléans, 200 avenue du Maine, un grand déjeûner, sous la présidence de M. Medeiros e Albuquerque, membre de l’Académie Brésilienne.

L’Académie Aéronautique obtint que M. le général Bento Ribeiro Carneiro Monteiro, Préfet du District Fédéral, par décret n° 873 du 8 août 1912, donne le nom de Avenue Bartholomeu de Gusmão, à celle qui se trouve placée entre les rues du Général Canabarro et du Vicomte de Nitheroy, à Rio de Janeiro.

Dans ces courtes lignes de préface nous ne désirons ni produire une œuvre de technicien, ni tracer l’histoire de B. de Gusmão et de l’Académie qui porte son nom.

Pour plus de détails nous renvoyons le lecteur à nos trois publications sur ce sujet.

Depuis la guerre, le festoyer commémoratif annuel de B. de Gusmão n’ayant pu avoir lieu, nous tenons à ne pas laisser passer inaperçue la date du 8 août et voilà pourquoi nous publions, cette année, cette modeste plaquette en commémoration du 208° anniversaire de l’invention des ballons.

Lausanne, 8 août 1917.

Vicomte de Faria



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  1. Cet auteur n'est pas mentionné dans la bibliographie portugaise de Innocencio.